Le Gouvernement a déposé devant le Sénat, puis retiré, un amendement à la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche portant sur la modification de la composition du CNESER disciplinaire. Ce dernier est la juridiction universitaire, composée d’universitaires et d’étudiants élus, chargée de juger en appel les affaires disciplinaires concernant tant les enseignants que les étudiants. On ignore pour l’instant si le Gouvernement déposera cet amendement devant l’Assemblée nationale en seconde lecture.
Selon ce projet d’amendement, il serait désormais prévu que « Le président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire est un conseiller d’Etat, en activité ou honoraire, nommé par le ministre chargé de l’enseignement supérieur. Un président adjoint, élu en leur sein par l’ensemble des enseignants-chercheurs membres de cette juridiction la préside en cas d’absence ou d’empêchement du président ». Cela reviendrait à confier la présidence de la juridiction universitaire à un Conseiller d’Etat, sur le modèle de ce qui se fait pour d’autres juridictions disciplinaires.
Cet amendement serait justifiée par « la proportion importante des décisions du CNESER statuant en matière disciplinaire [qui] sont annulées par le Conseil d’Etat lorsqu’elles font l’objet d’un pourvoi en cassation au motif qu’elles sont entachées de vices de procédure ou de forme, alors même qu’elles sont juridiquement fondées sur le fond » Le Gouvernement estime donc que, « afin de mieux garantir que les décisions juridictionnelles rendues respectent les règles de la procédure du contentieux administratif », il conviendrait « de faire présider cette formation par un conseiller d’Etat ».
QSF se déclare opposé à un tel projet pour une raison de principe : la composition du CNESER disciplinaire est une particularité du statut des universitaires, dans la mesure où ils sont les seuls à pouvoir sanctionner leurs pairs. C’est, avec l’interdiction pour la police d’entrer dans les locaux universitaires sans l’autorisation du directeur de l’établissement, la seconde grande franchise universitaire. À la différence des autres fonctionnaires, les universitaires ne peuvent pas par exemple, être révoqués par l’administration ; ils ne peuvent l’être que par la juridiction universitaire. Si celle-ci est, pour les affaires concernant les enseignants, uniquement composée d’universitaires, c’est parce qu’on considère traditionnellement que ce mode de composition constitue le prolongement du principe de collégialité : de même qu’à l’Université, on délibère entre pairs, on doit être jugé aussi par les pairs. Changer la présidence, comme le prévoit le projet d’amendement, en l’attribuant à un conseiller d’Etat conduit à déroger à ce principe. Cela conduit aussi à affaiblir le statut des universitaires et détruire sa spécificité pour le calquer sur le modèle du droit commun de la fonction publique. Cela conduit enfin à remettre en cause la protection de la liberté académique assurée, en partie, par cette juridiction universitaire.
QSF a toujours défendu la liberté académique, et c’est la raison principale pour laquelle il s’est si vigoureusement opposé au projet de décret Pécresse sur le statut des universitaires, en 2009. Il s’opposera pour les mêmes raisons à un tel amendement.
QSF est néanmoins conscient de la nécessité de réformer la juridiction universitaire et de modifier le décret qui la régit. Les faits paraissent incontestables : la juridiction disciplinaire a mal fonctionné au cours des dix dernières années (2000-2010), comme le prouve le nombre trop important de cassations de ses décisions par le Conseil d’Etat. Comme ce sont les universitaires qui la composent, ils sont donc en partie responsables des dysfonctionnements constatés.QSF n’accepte pas pour autant une solution qui revient à dénaturer la formation disciplinaire en dessaisissant les universitaires élus au CNESER d’une prérogative essentielle. Il lui paraît plus judicieux d’explorer d’autres solutions.
D’abord, il souligne la nécessité d’obtenir un secrétariat mieux armé juridiquement qui les apporterait aux membres du CNESER disciplinaire l’aide technique requise.
Ensuite, si QSF maintient fermement l’idée d’une juridiction composée exclusivement d’universitaires, il ne serait pas hostile à ce qu’on réfléchisse, le cas échéant, à une nouvelle configuration de la juridiction. Il ne serait pas absurde de remettre en cause le principe selon lequel tous les membres seraient élus et de prévoir une part minoritaire de personnes nommées (selon des procédures à définir) pour que siègent des universitaires ayant des compétences juridiques.