Le 11 mai 2023, France Universités présentait dans un de ses communiqués les aspects positifs du repyramidage, « motif de satisfaction », selon les présidents d’université qui y voient l’un des points d’amélioration des universités au même titre que celles de la parité entre femmes et hommes et le nouveau système indemnitaire (RIPEC) pour les enseignants-chercheurs. Les présidents appellent donc à un prolongement de ce dispositif au-delà de 2025. Ce bilan globalement positif répondait à celui qu’a publié le MESRI le 5 avril 2023 sur les années 2021-2022, rappelant que la mesure du repyramidage devait avant tout permettre un meilleur équilibre entre postes de professeurs et postes de MCF et faire en sorte que pour chaque section de CNU, on tende à une proportion identique (60% MCF pour 40% de PR).
Il est sûr que dans la pénurie de postes de professeurs que connaît l’université depuis bon nombre d’années, le repyramidage a pu combler – très partiellement – le déficit constaté en postes PR, alors que les maîtres de conférences HDR de plus en plus nombreux se voient bloqués dans leur carrière, sans véritable reconnaissance de l’Habilitation à Diriger les Recherches tant qu’ils ne sont pas élus professeurs. Le bilan ministériel fait état d’une nette amélioration dans l’ensemble des sections sauf pour trois d’entre elles. Faut-il pourtant s’en réjouir ?
QSF a déjà exprimé ses objections à ce système dès l’annonce de cette mesure, et il nous paraît nécessaire de les rappeler face à cet apparent consensus pour une mesure à moindre coût budgétaire.
Notre association soutient toujours que la qualité scientifique de l’université dépend principalement de celle des universitaires et qu’elle doit primer sur toute autre considération. Comment peut-on savoir que les professeurs recrutés sont de qualité, sans la comparaison que permet un concours ouvert ? N’est-il pas universellement reconnu que la comparaison est la seule voie qui mène à la qualité ? A contrario, la part belle donnée à l’ancienneté et au localisme contribueront à la sclérose de l’université française. En effet, la promotion locale des MCF dans le corps des professeurs mène à une logique du « chacun son tour », dont il est évident qu’il comporte des risques pour la bonne entente dans les départements, qu’il sera soumis aux petits arrangements locaux, que le contrôle par le CNU sera négligeable, que la dissémination des savoirs souffrira du localisme. Cette logique mène au découragement des MCF prêts à la mobilité, et qui voient attribuer dans d’autres établissements des chaires auxquelles ils n’ont pas accès. Une carrière académique n’est pas celle d’un fonctionnaire progressant par promotion interne. De plus, bien des professeurs parmi les plus éminents de l’université française ne proviennent pas du corps des MCF, mais d’organismes de recherche (CNRS, INRIA, INSERM etc.) ou de l’étranger – catégories que le repyramidage ne concerne pas.
Rappelons que la distinction entre maître de conférences et professeur est une norme qui possède des équivalents dans le monde entier. Cette distinction de niveau académique possède un sens dans le fonctionnement de notre activité, et il convient de ne pas la confondre avec une différence de rémunération. Ainsi, que chaque domaine académique comporte une proportion identique de MCF, but affiché de l’opération de repyramidage, ne va pas de soi. Cette exigence ne correspond pas à une politique de la recherche identifiée et demande donc une justification.
À coup sûr, les évolutions récentes ont contribué à brouiller la différence entre les corps. Citons notamment les chaires de professeur junior, et l’abrogation de la nécessité de la qualification par le CNU. Inversement, l’obtention de l’HDR n’est pas reconnue en tant que telle : elle n’apporte aucun avantage, ni aucune mission nouvelle en dehors de la possibilité de diriger des thèses. Dans un système contraint par un nombre de postes en diminution, le repyramidage est évidemment apparu comme une solution administrative et budgétaire commode : elle évite la création d’un nouveau poste, puisque ce n’est qu’un transfert de poste. Mais la pénurie de postes est toujours là, et cette mesure de promotion à l’ancienneté ne masque pas les nombreux gels de postes, renouvelés d’année et d’année dans certaines disciplines, et décidés par les mêmes présidents qui louent les aspects positifs du repyramidage.
Trois fléaux mettent à mal l’université : la place toujours plus grande de la technocratie, la dévalorisation des statuts et des rémunérations, et le rôle qui lui est assigné d’être un pur prolongement de l’enseignement secondaire. Tout observateur comprend que le dispositif de repyramidage correspond hélas à une vision sans ambition, qui dévalue le corps professoral tout entier, traité comme un ensemble de fonctionnaires indifférenciés et à la merci des hiérarchies locales.
Fausse solution, le repyramidage est inacceptable au nom de l’avenir scientifique de l’université et de sa place au plus haut niveau de la recherche internationale. QSF demande qu’on mette fin à la pénurie actuelle par la création de vrais postes, avec des recrutements où la qualité scientifique prime sur le localisme, et des aides à la mobilité pour la favoriser et même la susciter. La reconnaissance réelle de la haute qualité scientifique des candidats par un concours ouvert est le seul moteur du dynamisme scientifique.