D’abord circonscrites aux Etats-Unis, les mobilisations étudiantes pro-palestiniennes sont désormais mondiales. En France, blocages et évacuations ont commencé par toucher les Instituts d’Études Politiques, dont le très médiatisé Sciences Po Paris. Le mouvement s’est étendu à certaines universités et menace maintenant de se répandre dans les lycées. Face à ces actions, les directions des établissements concernés ont, comme souvent, oscillé entre volonté de dialogue et fermeté, ce qui peut se comprendre face à un contexte hautement inflammable et une situation de conflits dont il est légitime de s’émouvoir. Il n’en demeure pas moins que la situation actuelle frappe par l’instrumentalisation politique dont elle fait l’objet, le non-respect systématique des engagements pris et l’oubli du droit dont elle témoigne.
Au vu de la situation passionnée que connaissent les établissements d’enseignement supérieur, rappelons que, selon la loi Faure datant de 1968, les étudiants jouissent « d’une liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels » (article L. 811-1 du code de l’éducation), qui se conçoit de manière tant individuelle que collective. Toutefois, comme toutes les libertés, celle-ci est soumise à des limitations prévues par le même article et selon lesquelles les usagers de l’enseignement supérieur (les étudiants donc) ne peuvent l’exercer que « dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public ».
QSF souhaite rappeler quelques principes pour étoffer ce rappel du droit.
Un événement à l’université doit servir à faire émerger une meilleure compréhension des enjeux du monde contemporain, dans le nécessaire respect de la pluralité des opinions. Il ne saurait avoir pour seul objectif d’engendrer du tapage médiatique (voir communiqué du 23 mai 2023, https://www.qsf.fr/2023/05/23/liberte-academique-en-sorbonne-un-rappel-aux-principes/).
Les initiatives qui éclairent le débat sont toujours les bienvenues, par exemple lorsqu’elles donnent à des spécialistes reconnus, ou même à de simples intervenants appropriés, l’occasion de s’exprimer et, le cas échéant, d’être contestés. C’est en effet la comparaison des arguments et des points de vue librement exprimés qui permet de faire progresser la connaissance. Dans les grands débats politiques qui traversent la société, l’Université peut jouer un rôle positif si elle sait apporter une profondeur d’analyse, une distance critique, une conscience historique qui font souvent défaut aux médias.
Le contenu et la forme des débats doivent être déterminés à l’intérieur de l’université. Il est inacceptable que des responsables politiques s’approprient le débat universitaire, tout comme il est intolérable qu’ils menacent les établissements de suspensions de crédits sur le fondement de critères partisans. De même, les accords universitaires internationaux relèvent de la liberté académique des universitaires et des chercheurs et ne dépendent pas de quelque revendication politique que ce soit.
Les initiatives des étudiants ne doivent entraîner ni entrave au fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur, ni intimidation envers quiconque. En particulier, le blocage des établissements n’est jamais acceptable : il y a d’autres moyens de défendre une cause politique.
Les présidents sont dans leur rôle lorsqu’ils font respecter les conditions de travail et d’étude dans leur établissement. Toutefois ils doivent fournir des raisons objectives pour l’annulation de manifestations proposées par les étudiants, et ne pas se contenter, comme ils le font souvent, de se justifier par l’évocation de vagues menaces de sécurité.
Le pouvoir de police conféré aux présidents d’université est la contrepartie de la franchise universitaire qui interdit à la police, sauf flagrant délit et ordre écrit du Parquet, de pénétrer dans les locaux universitaires. Contester un tel pouvoir, c’est courir le risque d’une intervention systématique du Préfet pour cause de carence de l’autorité universitaire : qui peut souhaiter que l’on en arrive là ?
L’université est par excellence un espace de réflexion critique, d’échange informé, de compréhension qui dépasse les identités et appartenances des uns et des autres. Bloquer une université c’est nier son essence même : les idées ne s’imposent pas, elles se défendent.