Le retour d’expérience après la première utilisation de la plateforme MonMaster (dernière offre numérique du MESRI destinée à faciliter l’accès des étudiants en première année de master) aura malheureusement confirmé la plupart des craintes déjà exprimées par QSF : complexité de la procédure, alourdissement de la tâche de traitement des dossiers, espoirs déçus des étudiants qui n’auront pas trouvé de place dans la formation de leur choix. Pire encore : la nouvelle procédure témoigne, une fois de plus, d’une forme de mépris du ministère à l’égard des universitaires et de leurs disciplines.
La démultiplication des candidatures possibles (15 en master généraliste + 15 en master en alternance) s’est en effet traduite par des nombreux bugs informatiques, des dossiers perdus, des centaines de candidats à contacter en urgence avant audition, et une augmentation palpable des tâches à accomplir par les services administratifs.
Les équipes pédagogiques ont également dû traiter un nombre bien plus important de dossiers qu’il ne fallait pas seulement accepter ou refuser, mais classer dans un ordre de préférence. Or, la plupart de ces candidatures ne correspondaient pas aux vœux réels des candidats mais au nombre de possibilités offertes. Il en est résulté une dégradation de la qualité d’examen des dossiers, notamment dans les filières dites en tension. Jusqu’à quand tablera-t-on sur la conscience professionnelle des universitaires pour exiger d’eux qu’ils procèdent, souvent seuls, à une évaluation approfondie de plusieurs centaines de dossiers, en ayant le souci de limiter les injustices, tout en luttant contre le sentiment que, dans bien des cas, ils classent pour rien ? Il est indispensable à cet égard que les vœux soient hiérarchisés, mesure de bon sens que l’Université Paris Panthéon-Assas a été l’une des rares à maintenir et contre laquelle le juge administratif n’a rien trouvé à redire. L’imitation irréfléchie des pires travers de Parcoursup n’est pas nécessairement gage de succès…
Résultat de cette procédure ubuesque : le recrutement des formations ne correspond pas, le plus souvent, au classement proposé par les équipes pédagogiques. Au mieux, il reproduit le recrutement local observé dans la plupart des régions ; au pire, il aboutit à une dispersion des étudiants et à une diminution du nombre d’inscrits.
Dans ce bricolage pédagogique-administratif si chronophage, un sommet a été atteint au cours de l’été pour traiter de la situation des étudiants qui se sont retrouvés sans inscription en master. Dans ce cas, la procédure prévoyait que le rectorat présente aux étudiants « trois offres de master » parmi ceux dans lesquels des places étaient encore disponibles après la période d’acceptation. On aura vu ainsi arriver en plein mois d’août ( !…) des messages à traiter « dans les plus brefs délais possibles », pour des candidatures véritablement inattendues : ainsi de ces titulaires d’une licence de droit ou de psychologie qui aspiraient à poursuivre leurs études dans leur discipline se sont vu proposer d’intégrer un master recherche en littérature française …
On atteint là les limites d’une procédure qui, partant peut-être d’une bonne intention, traduit non seulement une sorte d’ignorance du système qu’elle entend faciliter, mais aussi du mépris pour les formations, et surtout pour les personnes qu’elles concernent. Non, on ne remplace pas un master par un autre comme on choisit son plat au menu d’un restaurant. Chaque formation a ses prérequis et ses exigences pédagogiques et scientifiques, et ce n’est pas parce qu’elle n’a pas recruté au maximum de ses capacités d’accueil qu’elle constitue un pis-aller de l’enseignement supérieur. C’est manquer totalement de respect à l’égard des universitaires qui les animent et de considération pour des étudiants qu’on condamne pratiquement à l’échec en les orientant dans des cursus pour lesquels ils ne sont pas préparés.
Contrairement à ce que prétend la ministre, le ministre de l’enseignement supérieur n’est pas seulement le ministre des étudiants et doit s’opposer fermement à la demande démagogique d’un prétendu droit inconditionné à la poursuite des études après la licence. Il doit être aussi le ministre des universitaires, c’est-à-dire les respecter et donc les laisser travailler en se concentrant sur le cœur de métier (enseigner et chercher). Mon Master est une dérive une nouvelle fois insupportable qui accable les universitaires de tâches administratives indues et inefficaces
Une nouvelle fois donc, QSF souligne la nécessité de repenser la procédure d’admission en master : si l’adoption d’un calendrier unique semble indispensable, il n’est pas certain que l’idée d’une plateforme unique, ressort d’une démultiplication des candidatures et signe d’une volonté toujours plus centraliste, soit la plus pertinente dans un contexte où l’on se gargarise de l’autonomie des universités. À tout le moins est-il impératif, si la plateforme devenait être maintenue, de mettre en place une hiérarchisation des vœux, d’en limiter le nombre ou de les conditionner à la réalité des disciplines.