Le gouvernement a annoncé des restrictions budgétaires qui affectent particulièrement le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, avec plus de 2% de son budget amputé. En dépit des ambitions proclamées par la loi de programmation pour la recherche (LPR) et du discours présidentiel du 7 décembre 2023, de tels choix dans les sacrifices budgétaires révèlent crûment les priorités de la puissance publique. Il est bien sûr illusoire de penser que seuls quelques secteurs seront affectés. Il ne fait pas de doute que les établissements, déjà durement touchés par les augmentations de coûts, vivent douloureusement ces dispositions. Ce n’est donc pas sans raisons que le président de l’Université Lyon 3 a saisi le Conseil d’État contre la décision du gouvernement de réduire son budget pour l’année 2024 : ces coupes ne toucheront pas seulement des « réserves de précaution », mais des fonds indispensables au bon fonctionnement de nos universités, surtout celles qui sont déjà sous tension.
Notre Association déplore de telles mesures et regrette vivement que notre ministère apparaisse aussi faible et aussi impuissant face au ministère de l’Économie et des Finances. On attendait, à la suite de l’engagement du Président de la République, un ensemble de mesures pour la Recherche et un plan pour les Sciences Humaines et Sociales, et le maintien d’une trajectoire d’augmentation du budget ESR de 20%, pour atteindre des dépenses à hauteur de 3% du PIB via la LPR. Nous sommes aujourd’hui très loin du compte.
Il n’est pas possible d’attribuer à ces larges coupes budgétaires une dimension seulement financière. Leur premier effet sera de diminuer les investissements pour l’avenir de la formation universitaire et la recherche, ce qui revient à régler les difficultés budgétaires actuelles au détriment des générations futures. Elles constituent un signal très négatif quant aux perspectives de la recherche et de l’enseignement en France, en laissant penser que le financement de l’enseignement supérieur est secondaire par rapport à d’autres priorités nationales. C’est bien sûr aussi l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se trouve menacée, alors que la force et le rayonnement des universités et des établissements de recherche résident d’abord et avant tout dans leur capital humain.
Une université appauvrie en moyens et en capital humain ne manquera pas de pousser vers l’enseignement privé et vers les universités étrangères les étudiants qui en ont les moyens matériels, et de décourager les autres, ce qui est un risque majeur d’affaiblissement. On en observe les premiers signes [2].
Les financements qui risquent d’être remis en cause constituaient déjà le minimum nécessaire pour assurer la qualité et la notoriété de notre recherche et de nos universités maintenant et pour l’avenir. QSF en appelle instamment à Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, afin que la cohérence des politiques publiques soit rétablie et que la formation universitaire comme la recherche au sein des établissements publics bénéficient d’un soutien nécessaire et légitime.
[1] L’amputation de 588 millions d’euros, soit 2,2% du budget du ministère comprend notamment 125 millions d’euros pour la vie étudiante. La LPR fixait à 3% du PIB la part de la recherche, alors que cette part stagne à 2,2%.
[2] Les Echos, 19 juillet 2023 : « Enseignement supérieur : le « maquis » des formations privées pointé du doigt » ; Le Monde, 29 janvier 2024 : « Dans l’enseignement supérieur, le poids croissant du privé pose de redoutables problèmes de régulation ». Libération, 2 mars 2024 : « Privé : Les géants de l’enseignement maîtres de leur propre contrôle ».